Conseils féministes

Sous la direction de leur professeure de lettres Mme Marie-Hélène Guiraud, les élèves de 1ère ont écrit une lettre avec des conseils féministes pour l’éducation à venir d’une jeune fille venant de naître, dans le sillage de ce que propose la talentueuse Chimamanda Ngozi Adichie dans sa lettre à une amie qui prend des tournures de manifeste. Nous avons choisi de mettre en valeur trois d’entre eux. Merci de votre attention !

bilan.ch – https://www.bilan.ch/femmes-leaders/5-raisons-de-connaitre-chimamanda-ngozi-adichie

Lettre de Madame Wendy-Michelle N’Gbende Diango :

Chère Alda,                                                                                      Lubumbashi, le 23 octobre 2022

Je partage ton bonheur. Inès est une petite crevette. Cette fragilité et cette puissance qui émanent de ces petits êtres me bouleversera toujours. Elle a vécu neuf mois dans ton ventre, tu as partagé ton corps pendant neuf mois. Ça m’impressionnera toujours ça, porter la vie, mettre au monde un humain. Ce qui m’impressionne d’autant plus, c’est la relation qui naît spontanément, je dirais même instinctivement, entre une maman et son bébé. Sans se connaître, sans s’être réellement rencontrés, une relation amoureuse s’installe. Félicitations pour ton petit arc-en-ciel.

La lettre que tu m’as écrite m’a fait plaisir. Et je veux que tu saches que je prends très au sérieux ta demande : comment donner une éducation féministe à Iris ? La place accordée aux femmes dans la société a toujours été critiquée. Les femmes ont toujours été classées comme inférieures à l’homme. Aujourd’hui, tout doucement, les choses commencent à évoluer. Mais le combat est loin d’être fini.

En réalité, le féminisme est une arme contre la misogynie sociale. Nous vivons dans une société entièrement misogyne. Cette misogynie sociale existe depuis bien longtemps. Elle se caractérise par les inégalités sociales présentes entre les hommes et les femmes, la discrimination de la femme et de ses droits. Donner une éducation féministe à Iris, c’est lui administrer les armes, les outils pour ne pas rester impassible face aux injustices que subissent les femmes.

La première chose qui exercera une influence sur l’éducation de ta fille, c’est toi. Sois une personne pleine et entière, ne t’oublie pas. Tu es maman maintenant, mais ne te définis pas qu’en tant que mère. Ne sacrifie pas tous tes rêves et projets pour la maternité. Fais la part des choses.

Apprends à Iris à avoir confiance en elle. Le concept de self confidence est primordial pour qu’elle se connaisse, qu’elle connaisse ses capacités et ses limites. Tout cela lui permettra de connaître sa valeur et de pouvoir s’affirmer. La confiance en soi lui donnera aussi la conviction d’avoir les ressources nécessaires pour faire face à de nombreuses situations difficiles.

Ensuite, tu devrais lui montrer qu’entre son père et toi, il n’y a aucune différence. Elle comprendra ainsi qu’il n’y a pas de supériorité ou d’infériorité entre un homme et une femme. Et que la femme n’a pas un rôle propre à elle, comme par exemple ce cliché où les femmes s’occupent de toute la maison est de faire à manger et que les hommes ne doivent rien faire alors que les hommes sont les chefs de la maison. Montre-lui que vous êtes complémentaires, son père et toi.

Apprends à Iris qu’il n’y a pas de corps parfait, que tous les corps sont beaux. Les standards de beauté valorisent les femmes claires de peau et minces, et discriminent les femmes rondes, ou dévalorisent les femmes foncées. Elle doit savoir que tout le monde est beau d’une certaine manière. Tu devrais l’aider à s’aimer et s’accepter telle qu’elle est. Mais également lui enseigner qu’être femme ce n’est pas qu’être belle. Le souci de l’apparence constitue l’une des manifestations de la subordination féminine. Les injonctions masculines exigent des femmes qu’elles se fassent belles et désirables, et cela montre à quel point la femme est limitée à un statut d’objet. Elle ne devrait pas se soucier de plaire.

Apprends à Iris à s’instruire, à lire, à former ses propres opinions et ses propres idées. Lire lui permettra de se faire sa propre vision des choses, à s’exprimer et à se questionner sur le monde. Fais en sorte qu’elle ne voit pas le mariage comme un accomplissement ni un objectif dans la vie. On apprend aux filles qu’à un certain âge, il faudra qu’elle sache tenir une maison pour pouvoir se marier. Mais il y a des choses plus importantes que cela. Apprends-lui qu’il y a plus que le mariage et qu’être mariée ne signifie pas avoir réussi sa vie. Si elle se marie, dis-lui de ne pas s’oublier et de ne pas laisser tomber ses projets pour s’occuper exclusivement de son mariage.

Le dernier conseil que je pourrais te donner c’est de lui raconter l’histoire. De lui expliquer que le combat féministe existe depuis longtemps et que ce n’est que depuis quelques siècles des femmes évolue.

J’espère que cette réponse te satisfera. Des bisous, à Iris et à toi.

Wendy

Voici à présent la lettre de Monsieur Jérémie Kayeye :

Adressée à Christiana Kabila, habitant à Ottawa.

Chère Christiana,

Quelle joie pour moi que d’entendre que tu as passé le cap ! Désormais, une importante responsabilité t’incombe, et je suis fier de toi mon amie.

Je suis honoré que tu aies fait appel à mes conseils au sujet de l’éducation que tu vas transmettre à ta fille. Etant proche de toi, l’écriture de cette lettre m’émeut quelque peu. J’essayerai cependant d’être le plus objectif possible.

Comme tu as manifesté ton désir que son éducation soit féministe, je vais donc principalement parler de cet aspect. Pour moi, le féminisme n’est pas un texte législatif ou un cadre parfaitement lisse à respecter.

Ce qui fait la beauté du féminisme est qu’il est malléable à volonté. Tu te souviens lorsque l’on m’obligeait toujours à faire la vaisselle, vu que j’étais le seul garçon et que tu l’as faite à ma place, alors que tu étais invitée ? Ce principe réclamé à tous les niveaux du corps social, qu’est l’égalité, doit se trouver au contre de son éducation.

Souviens-toi quand on nous disait à l’école que les filles écrivaient mieux que les garçons alors que j’avais la plus belle écriture. Je te « chambrais » sur le fait que tu ne savais pas préparer.

Ta fille devra être autonome. Ne dépendre de personne du fait de son genre, et, en tant qu’individualité. Ne lui fais pas comprendre qu’un homme et une femme ne sont pas égaux du fait de leur genre. Apprends-lui plutôt que les différences physiques ne primeront jamais sur la capacité à changer le monde par l’intellect.

Tu en es la preuve, je te félicite d’ailleurs pour ta thèse de médecine de l’an dernier. Je me suis retrouvé en débat avec une féministe qui, pour moi, était tout à fait hystérique. Elle ne m’a pas laissé défendre mon point de vue, et déclamait sans cesse que les femmes étaient en tout point supérieures aux hommes.

Je te conseille de ne pas lui inculquer de telles valeurs. A travers ta relation avec Elie, je veux que tu lui montres combien un homme joue un rôle aussi important qu’une femme au sein d’un couple.

Je termine cette missive sur l’importance du développement de sa culture. Rends-lui service en ce sens-là.

Avec toute ma tendresse

Jérémie

Portrait de Chimamanda Ngozi Adichie par Debbie Davidsohn.

Et voici pour finir la lettre écrite par Madame Evodie Kashala Kapalanga :

Lubumbashi, ce 27.10.22

Chère Malaika,

Je t’écris cette lettre pour répondre à ta demande. Je me sens heureuse et honorée de pouvoir te venir en aide. J’ai quelques suggestions sur la façon dont tu devras éduquer ta fille. Ton petit mot m’a fait pleurer. Tu sais comme je peux être émotive parfois. Je veux que tu saches que je prendrai au sérieux ta demande. Comment lui donner une éducation féministe ?

Moi, étant toute petite, je n’ai reçu aucune éducation féministe, c’était tout le temps « la place de la fille ou même de la femme, c’est à la cuisine ». Je n’avais aucun mot à dire, car c’était ainsi, et pas autrement. Aujourd’hui, j’aimerais te faire part de toutes mes expériences, et te donner des conseils.

Voilà ce que je pourrai dire à ta chère petite fille :

Je veux commencer par te dire que tout est possible. Oui, tout est possible, je veux que tu en sois certaine. A condition de vivre ta propre vie. Pas celle qui aura été choisie par toi et par tes parents. Trouve ton chemin et ta liberté ? Cette liberté a un prix. On va te demander d’être sans faute, parfaite. C’est ce qu’on attend des petites filles. On va te demander d’occuper une place. La seule chose que tu dois chercher à attendre est la juste place. Ne te laisse pas imposer un chemin. Trace ta route. La liberté n’est pas facile, mais elle est essentielle pour avancer. Je ne sais pas quelle femme de demain tu seras, mais je voulais te dire que tu peux être celle que tu choisis d’être.

Je ne sais pas encore qui tu es, mais je suis déjà fière de toi !

Je t’embrasse fort !

Evodie

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